Défis du changement climatique dans le pays de gex

Par Renée Depraz, membre des ARN et ancienne Présidente, membre de la Cellule technique de la Réserve Naturelle au titre des ARN.

Nous voici dos au mur. Notre Maison brûle et désormais notre pronostic vital se trouve engagé. Le GIEC nous donne moins de 30 ans pour redresser la barre.

Que de temps perdu. 30 ans déjà que nous foulons aux pieds nos engagements environnementaux internationaux d’intérêt majeur, ceux de la conférence de Rio en faveur du maintien de la biodiversité et ceux de Kyoto sur la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Une non action qui vient d’être sanctionnée par le Conseil d’Etat, le Gouvernement étant condamné à verser une astreinte de 10 millions d’Euros pour non-respect de la qualité de l’air.

En mars 2020 nous sommes entrés en guerre. Si l’urgence sanitaire est gérée par l’Etat, la gestion de l’urgence climatique elle, échoit par défaut aux élus de base. Or la Prospective qui est l’art d’imaginer le territoire à 30 ans est un exercice particulièrement difficile dans lequel bien peu d’élus excellent.

Les ARN qui sont très actifs au sein du Forum de l’Agglo transfrontalière se réjouissent que Pays de Gex Agglo ait enfin décidé d’occuper activement la place qui est la sienne dans les instances du Grand Genève. Voir l’interview de P. Dunand dans le Dauphiné Libéré du 03 août.

“Agglo: il fallait remettre tout le monde autour de la table” https://www.ledauphine.com/politique/2021/08/02/agglo-il-fallait-remettre-tout-le-monde-autour-de-la-table ).

En effet, relever les défis qui nous attendent ne peut se faire qu’au niveau de notre bassin de vie.  Une belle opportunité pour les Gessiens qui pourront gagner un temps précieux en profitant des travaux et réflexions déjà largement amorcés par Genève notre ville centre.

Quelles aires protéger dans notre région?

Par Manuela Arrot, Vice-Présidente des ARN

La stratégie nationale pour les aires protégées a été publiée en janvier 2021 et ambitionne de protéger 30 % du territoire dont 10 %  en protection renforcée d’ici à 2030. Les ARN ont participé à 2 réunions en visioconférence. Nous avons proposés quelques sites, conjointement avec l’Association pour la Connaissance de la Nature Jurassienne (ACNJ) , dont une tourbière d’une importance majeure, de la vallée de la Valserine : la tourbière du Niaizet à Lélex, Elle abrite la seule population de Cuivré de la Bistorte de l’Ain et de Rhône Alpes …

Cette espèce fait partie du PNA (Plan National d’Actions) Rhopalocères actuellement en cours. Ce site est de plus menacé par l’assèchement et l’invasion des résineux. C’est un milieu riche en botanique également. Quelques autres sites ont été également proposés.

Pour plus d’informations, vous pouvez télécharger le courrier adressé à la DDT de l’Ain :

Open: une entreprise qui ne respecte ni sa parole ni la nature

Par Manuela Arrot, Vice-Présidente des ARN

A Saint-Genis-Pouilly, les travaux du centre commercial Open viennent de débuter illégalement, début juin, en pleine période de reproduction de la faune sauvage. Collectif et associations dénoncent le début des travaux et FNE Ain a porté plainte.

Pour obtenir son permis de construire, cette entreprise s’était engagée à ne pas débuter les travaux de terrassement pendant la période de grande sensibilité de la faune sauvage, c’est-à-dire entre mars et août. Ce répit correspond à la phase de reproduction de la plupart des espèces présentes dans les milieux qui seront détruits pour laisser place à ce temple de la consommation. En effet, au printemps et en été, de nombreux animaux sont dépendants de ces milieux agricoles pour élever leurs jeunes ou pour y trouver la nourriture nécessaire à leur croissance. Pour les oiseaux présents sur ce site, détruire ces espaces naturels au mois de juin revient à condamner les nichées, ou du moins à fortement compliquer la tâche des parents qui s’épuiseront à chercher la nourriture plus loin et prendront le risque de laisser plus longtemps leur nid sans surveillance et donc leur progéniture à la merci des prédateurs.

Début juin, un bassin de décantation a été creusé et plusieurs hectares ont été décapés. Le collectif « Stop au projet Open » a fait constater ces travaux par un huissier. Avec ce collectif, FNE Ain et d’autres associations ont ensuite assigné en référé la société IF Allondon pour qu’un juge ordonne l’arrêt des travaux.

La plainte déposée par FNE Ain vient s’ajouter à cette démarche citoyenne afin de faire condamner la société IF Allondon qui se présente comme porteuse d’un projet écologique. Alors que de nombreux recours n’ont pas encore été jugés, IF Allondon a décidé d’entrer dans une course contre la montre pour mettre tout le monde devant le fait accompli.

A noter que la commune de Meyrin est résolument contre Open et a voté  une motion contre le projet et l’a fait savoir !

Comptage des aigles royaux

Chaque année, La réserve Naturelle de la Haute Chaine du Jura organise une journée de comptage simultané des aigles royaux sur le territoire de la réserve. En 2021, cette opération a eu lieu le 24 mars dernier, et nous avons, en tant que futurs référents de la réserve, été invités à y participer.

Différentes équipes de 3 à 4 personnes se sont réparties sur 10 sites d’observation pour rechercher et comptabiliser les oiseaux qui ont bien voulu se montrer, de 10h à 14h.

Poste d’observation au Turet

La neige étant encore bien présente, rejoindre les sites n’a pas été toujours facile, et les raquettes ont été très utiles pour certaines équipes !

La météo exceptionnelle a rendu ce moment très agréable. Équipés de jumelles et de longues-vues, nous avons exploré le ciel et la montagne autour de nous pour tenter de détecter le géant des airs et ses 2 mètres d’envergure.

Malgré sa taille, tout le monde n’a pu observer le plus grand rapace prédateur d’Europe, qui s’est tout de même montré à plusieurs reprises. Depuis notre site, nous avons pu faire 2 observations d’un adulte en vol à des distances allant de 1,5 à 3km, et nous avons eu la chance d’observer ce même oiseau perché sur 3 arbres différents durant de longues minutes. Une longue-vue de qualité n’était pas de trop !

Aigle photographié à plus de 1500 mètres de distance, avec un smartphone au travers d’une longue-vue !

Quelques autres rapaces ont pu être admirés par certains, comme le prestigieux Balbuzard pêcheur en vol migratoire, le Faucon pèlerin, l’Épervier d’Europe, la Buse variable…

Ces données concernant l’Aigle royal permettront de mieux cerner le nombre de couples et d’individus fréquentant la haute chaine. Nous ne manquerons pas de communiquer les résultats de ce comptage. Mais n’oublions pas que l’Aigle royal est un oiseau très sensible au dérangement durant la saison de reproduction, qui s’échelonne sur plusieurs mois. Certaines informations méritent de rester confidentielles !

Ce familier inconnu : le Pic noir

Nos montagnes sont habitées par beaucoup d’animaux remarquables. Parmi eux, un oiseau mérite de nombreux superlatifs pour qualifier sa beauté et sa force : le Pic noir ! Mais quel est donc cet oiseau ?

Tout le monde connait le « Pivert », ce nom plutôt commun que l’on attribue à ces oiseaux, dotés d’un long bec pointu, qui passent leur temps à grimper le long des troncs d’arbres. En réalité, le Pivert, de son vrai nom le « Pic vert », n’est que l’une des 5 espèces de pics que l’on peut rencontrer communément dans nos montagnes ou nos plaines. Dans cette famille, un oiseau ne peut laisser un observateur indifférent. Dryocopus martius, appelé le Pic noir, est le plus grand Pic d’Europe et l’un des plus grands du monde. Sa taille est proche de celle d’un corbeau, même s’il est bien plus élancé et moins ventru que ce dernier. Il habite communément nos montagnes, qui constituent son habitat d’origine, mais s’est bien répandu en plaine également depuis plusieurs dizaines d’années. Il habite les forêts matures dotées de grands arbres, hêtraies et hêtraies-sapinières le plus souvent.


Pic noir mâle, reconnaissable à sa crête rouge étendue sur toute la longueur de sa tête. Photo: J.C. Delattre

Les pics passent leur temps à mettre des coups de bec dans les troncs d’arbre ou les branches. Mais pourquoi donc ? En réalité, pour plusieurs raisons. Au quotidien, les pics creusent dans le bois mort pour trouver leur nourriture constituée en partie d’insectes « xylophages », c’est à dire qui se nourrissent dans le bois mort. Grâce à leur longue langue à l’extrémité gluante, ils attrapent facilement les petits insectes au fond de leur galerie. Ensuite, les pics tapent aussi sur les troncs pour indiquer autour d’eux, qu’ici, c’est chez eux. En effet, alors que la plupart des oiseaux chantent pour marquer leur territoire au printemps, les pics préfèrent se manifester d’une autre façon. Prenez un bon morceau de bois creux qui résonne bien, et envoyez une rafale de mitraillette dessus avec le bec. Vous obtenez un tambourinage de pic ! Vous avez certainement déjà entendu des tambourinages à la fin de l’hiver et au printemps. Ils sont en général l’œuvre du petit pic épeiche, l’espèce la plus commune chez nous. Les pics ne creusent ainsi aucunement dans le bois à ce moment, ils s’évertuent simplement à faire du bruit ! Et à ce jeu-là, notre pic noir est imbattable. Ses tambourinages sont d’une puissance inouïe. Beaucoup plus longs que celui du pic épeiche, et d’une fréquence beaucoup plus faible, ils ne peuvent être confondus et résonnent à tel point qu’ils restent audibles à une distance de 2 km. La littérature rapporte même un record à plus de 3 km !

En période de reproduction, le bec des pics, qui pousse en permanence pour compenser une usure inévitable, devient enfin un outil de forage pour la loge de reproduction. En effet, les pics pondent leurs œufs et élèvent leurs jeunes dans un trou creusé au cœur d’un tronc d’arbre. Le pic noir, du fait de sa taille et de sa puissance, est le seul à pouvoir creuser dans du bois sain, et il ne choisit pas le plus tendre. Sa préférence va au hêtre, mais un chêne ne lui fait pas peur. L’entrée de la loge, caractéristique de l’espèce, est un trou ovale d’environ 10 centimètres de diamètre. A l’intérieur du tronc, l’entrée donne dans une chambre qui peut atteindre 30 cm de diamètre ! Attention à ne pas traverser toute l’épaisseur du tronc lors du forage, sinon l’arbre se retrouve coupé en deux ! Cela arrive de temps en temps, parait-il…


Pic noir femelle au bord de sa loge de reproduction. Sa crête rouge est limité à l’arrière de la tête. Photo: J.C. Delattre

Il est important de signaler que le Pic noir joue un rôle essentiel, car ces loges qu’il crée servent par la suite de gite et de site de reproduction à d’autres espèces, comme la Martre des pins, ou encore la rarissime Chouette de Tengmalm, une petite chouette de montagne dont la présence est conditionnée par celle de notre oiseau !

Un couple de pics noirs élève en moyenne 3 jeunes par année. Les poussins atteignent leur taille adulte en à peine plus de 3 semaines, ce qui est remarquable pour un oiseau de cette taille. Une fois le moment venu, les parents incitent les jeunes à prendre leur envol depuis la loge de reproduction qui peut être située à plus de 10 mètres du sol. Une fois sortis de l’arbre qui les a vu naître, les jeunes n’y reviendront plus et seront nourris encore quelques temps par leurs parents dans un coin secret de la forêt. Ils viendront habiter nos montagnes à leur tour, et peut-être un jour croiser votre regard admiratif.


Mâle venant nourrir un jeune à la loge 2 jours avant l’envol de ce dernier. Photo: J.C. Delattre

Observer le Pic noir n’est pas chose aisée, car il vit dans un milieu fermé et reste présent à faible densité. Néanmoins, ses tambourinages et ses différents cris (vous pouvez entendre le Pic noir sur oiseaux.net), tous très puissants, s’entendent facilement tout au long de l’année. Alors durant vos futures ballades dans nos montagnes jurassiennes, levez la tête pour rechercher d’anciennes loges le long des troncs dégagés des grands hêtres, et n’oubliez pas de tendre l’oreille pour ne pas rater une manifestation du roi des pics !