Pas de centre routier à la Vattay

« Après moult rebondissement, il n’y aura finalement pas de centre routier à La Vattay »

C’est le titre de l’hebdomadaire « le Pays Gessien » paru le 16 septembre 2021. Et cela  a été une sacrée bonne nouvelle  pour les ARN, pour la Réserve naturelle, pour la Haute Chaîne … !

La Vattay – © PM Laurent

Il faut dire que l’on revient de loin, comme le rappelle, dans les grandes lignes, l’article.

Il a fallu toute la détermination de l’Association de La Vattay, présidée par la petite fille du pasteur Edouard Pasquet, lequel avait réalisé le centre de vacances de (aujourd’hui) l’ADAPEI, et toujours propriétaire du terrain convoité pour la réalisation du Centre routier.

Une lettre ouverte des ARN

Il y a 2 ans, tout juste, les ARN ont diffusé une « lettre ouverte », très argumentée contestant le projet, tant sur le fond que sur la forme. Un certain nombre d’élus et de professionnels, soucieux de préserver la qualité du site nordique de La Vattay s’étaient, également, émus d’un projet inapproprié à cet endroit.

Une erreur cartographique a aussi été mise en évidence : la carte IGN Top 25, par exemple, indique une limite erronée (beaucoup trop vaste) de la  zone « hors Réserve » dans le secteur. Ce « détail » aurait pu avoir de lourdes conséquences …

Le renchérissement, d’année en année, du coût financier a porté l’estocade…

La sage décision de Pays de Gex Agglo

Les élus de Pays de Gex Agglo ont eu l’immense mérite de savoir arrêter à temps un dossier mal emmanché. C’est tout à leur honneur et, au premier rang, à son président, Patrice Dunand, qui n’avait pourtant pas ménagé son soutien au projet dans la précédente mandature.

Les ARN ont acté cette décision avec satisfaction. Ils l’ont fait savoir à Pays de Gex Agglo et à son président. Ils sont prêts, comme ils l’ont fait, récemment encore pour la mise en valeur patrimoniale du site de La Faucille, à apporter leur expertise sur le réaménagement de ce site dans l’optique d’un tourisme « 4 saisons » basé sur le développement durable.

Les animaux ont besoin des Zones de quiétude de la faune sauvage du 15 décembre au 30 juin

L’objectif des Zones de Quiétude de la Faune Sauvage (ZQFS) mises en place par la Réserve naturelle est de limiter et, si possible, empêcher le dérangement de la faune sauvage pendant les six mois de l’année où elle est la plus fragile.

Dans la petite vidéo de France 3, ci-dessous, les gardes de la Réserve expliquent l’intérêt de ces zones.

Elles sont importantes l’hiver parce que le froid, la neige, le repos végétal … limitent drastiquement les ressources alimentaires des animaux. Par exemple, le Grand Tétras doit se contenter des aiguilles de sapin et de pin à crochets (et pas des épicéas, trop coriaces, pourtant bien plus abondants !) ; il perd 30% de son poids et le moindre dérangement répété peut lui être fatal. Le printemps venu, c’est l’époque des parades, des accouplements, puis de la couvaison et de l’élevage des jeunes, particulièrement fragiles pendant les premières années de leur vie. Et cela est vrai pour toutes les espèces y compris les mammifères comme le Chevreuil, le Chamois, le Lynx, … C’est pourquoi l’interdiction de circuler au sein des zones de quiétude va du 15 décembre (ou aux premières neiges) jusqu’au 30 juin (sauf pour les Platières, au-dessus de Gex, jusqu’au 15 mai).

Les zones de quiétude correspondent donc aux « sanctuaires » de la faune sauvage, notamment pour le Grand Tétras, emblème de la Réserve. Elles ont été établies par arrêté préfectoral, conformément au plan de gestion de la Réserve. Leur localisation figure sur les panneaux de la réserve et sur les cartes qu’elle publie (dépliants et/ou site www.rnn-hautechainedujura.fr). Elles occupent un gros ¼ de la réserve naturelle et sont au nombre de 7. Elles sont balisées sur le terrain par des panonceaux fixes et, au début de l’hiver, les gardes tendent des banderoles à l’entrée des itinéraires les plus fréquentés l’été et à proximité des parkings des zones touristiques.

La randonnée, sous quelque façon que ce soit, y est interdite pendant cette période. A l’exception de quelques itinéraires (notamment le GR9) afin de permettre aux randonneurs de rejoindre et parcourir les crêtes, à condition de ne pas sortir de ces « sentiers ». C’est également le cas des pistes de ski de fond du site nordique de la Vattay, soumis à un régime spécifique (dameuses autorisées). La chasse et l’agrainage sont également interdits pendant cette période.

Ces contraintes sont nécessaires de notre part pour offrir une chance à la faune sauvage de se perpétuer malgré une fréquentation touristique grandissante sur la Haute Chaîne du Jura. Acceptons-les de bon cœur !

Rencontre avec le Tichodrome échelette

Mais quel est donc cet oiseau aux ailes rouge carmin qui se cache sous ce nom bizarre ? Qu’avez-vous dit ? Trichodrome ??? Non non, Tichodrome, pourquoi tout le monde veut absolument rajouter ce « r » dans son nom ? On ne parle pas ici de tricot où de trichoptère. On parle juste d’un oiseau, dont le nom, « Tichodrome », vient du grec et signifie « celui qui court sur les murs ». Mais alors, un oiseau est-il vraiment capable de courir sur un mur ??? Eh bien oui, presque !

Le Tichodrome échelette, que nous appellerons Titi pour plus de simplicité, est un petit oiseau qui vit à la verticale dans des falaises et rochers. Il s’agrippe à la paroi grâce à de longues griffes recourbées et pointues. Il est le seul oiseau au monde à vivre comme cela. Il n’en est pas rare pour autant, mais n’est jamais facile à observer.

Petite boule de plumes de 15 à 20 grammes, il n’est pas plus gros qu’un moineau. Son vol est très léger et ressemble étrangement à celui d’un lépidoptère. Il a ainsi été surnommé l’oiseau papillon. Montagnard, il passe la belle saison en général à plus de 1000 mètres d’altitude, et nidifie en falaise dans une cavité. Il fréquente le Jura (dont la Haute Chaine), les Alpes, les Pyrénées et également un peu le Massif Central. Ailleurs dans le monde, il est bien répandu dans l’ancien monde jusqu’en Inde où il a déjà été observé à plus de 5000 mètres d’altitude !

Mais alors, de quoi se nourrit un oiseau qui ne quitte jamais les falaises ? Le Tichodrome mange essentiellement des insectes et des araignées, qu’il déniche dans les fissures et les cavités de la roche à l’aide de son long bec fin et courbé. Il lui arrive aussi d’attraper, lors d’acrobaties aériennes vives et précises, de gros insectes venant voler le long des rochers pour trouver un peu de chaleur.

Après la reproduction, Titi effectue une migration altitudinale et descend dans des contrées qui lui permettent de trouver à manger durant l’hiver. Il peut venir jusqu’en plaine. Il fréquente alors les bâtiments et monuments en pierre, qui lui offrent pas mal de joints et de fissures à prospecter. Des cas de migrations plus lointaines sont régulières et difficiles à expliquer. Il peut passer l’hiver en région parisienne, ou même en Vendée, très loin de sa montagne.

Durant l’hiver, le tichodrome change de plumage. Sa poitrine et sa gorge, noires en été, deviennent blanchâtres. Il devient également très solitaire, et ne supporte pas la vue d’un congénère. Lorsque 2 oiseaux se repèrent, ils se poursuivent nerveusement dans le vide en poussant des cris puissants. Les sites d’hivernage sont fréquentés de novembre à mars, et les oiseaux exploitent un domaine assez vaste, même si certains secteurs sont fréquentés plus régulièrement. C’est le cas du Fort l’Ecluse et de ses falaises environnantes, qui chaque hiver, accueillent une petite population de tichodromes. Pour tenter d’observer l’oiseau papillon durant la période hivernale, un très bon endroit facilement accessible est le Fort supérieur. Les tichodromes viennent régulièrement fréquenter les parois du fort, et ceci attire d’ailleurs beaucoup de photographes, que vous verrez certainement sur place, scrutant assidument tous les murs de la bâtisse.

Si vous avez de la chance, vous pourrez peut-être observer un oiseau grimper le long du fort, et vous remarquerez sans doute son comportement étrange. En effet, la nature n’échappe pas aux troubles obsessionnels compulsifs. Lorsqu’il est en activité, Titi ne peut s’empêcher, pratiquement une fois par seconde, d’ouvrir partiellement ses ailes à la vitesse de l’éclair, laissant apparaitre très furtivement le joli rouge carmin de ses plumes. Cet instant dure au plus 2 dixièmes de secondes, et se répète sans cesse. Il ne semble jouer aucun rôle dans la progression de l’oiseau ni dans son équilibre. Mystère !

Lorsqu’il est actif, Titi ne reste pas en place et bouge sans cesse. Il lui arrive de rester un moment à l’horizontale, comme la plupart des oiseaux « normalement constitués ». C’est dans cette position qu’il effectue sa toilette par exemple. Au contraire, il lui arrive de se promener complètement à l’envers, suspendu sous une voute par ses petites pattes. Il se déplace même dans cette position, mais glisse de temps en temps, agitant ses ailes pour rejoindre à nouveau la paroi et retrouver une prise.

Le tichodrome est un oiseau attachant qui le plus souvent ne craint pas l’homme. Pas besoin de camouflage ou d’une grande discrétion pour l’observer, ce qui est appréciable.

Vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire pour tenter d’apercevoir le petit alpiniste, soit l’hiver au Fort l’Ecluse, soit l’été sur les falaises de la Haute Chaine du Jura. Pour trouver d’autres images de ce bel oiseau, rendez-vous sur le site d’un photographe passionné, ce dernier étant, le hasard faisant bien les choses, l’auteur de ce petit article que vous venez de lire !

Zoom sur les Obligations Réelles Environnementales (ORE)

article tiré du journal du groupe Tétras Jura que nous remercions !

Créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages en 2016 (n°2016-1087 du 08 août 2016) une Obligation Réelle Environnementale permet à un propriétaire d’attacher à son bien un contrat visant à maintenir, conserver, gérer ou restaurer les éléments de la biodiversité ou les services écosystémiques.

Attachée au bien et non au propriétaire, l’Obligation Réelle Environnementale sera transmise de propriétaire en propriétaire  selon les modalités inscrites au contrat initial qui peut avoir une durée maximum de 99 ans.

Ce dispositif foncier de protection de l’environnement qui présente la particularité d’être contractuel est mobilisable par tout propriétaire foncier (public ou privé) qui souhaite se saisir des sujets de biodiversité.

Quels objectifs ?

L’objectif de cet outil est d’inciter les propriétaires fonciers à contribuer à la protection de l’environnement même en cas de transmission.  Il s’agit de :

  • faciliter le développement d’actions pérennes permettant de stopper l’érosion de la biodiversité 
  • permettre à un propriétaire de mettre en place, de façon simple, sur sa propriété une démarche contractuelle inclunt des personnes morales garantes de l’intérêt environnemental.

Concrètement, comment faire ?

Dans le cadre de cette démarche volontaire un contrat sera garant des engagements pris. Les obligations réelles peuvent prendre de multiples formes pourvu que celles-ci aient pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémique.

La mise en place d’une Obligation Réelle Environnementale nécessite que le propriétaire signe un contrat avec un cocontractant (collectivité publique, établissement public, personne morale de droit privé agissant pour la préservation de l’environnement, association ou fondation). Bien entendu le propriétaire qui a signé le contrat reste propriétaire de son bien.

Le contrat, bien que souple à mettre en place reste un acte authentique. Il doit donc être enregistré chez un notaire selon les règles du code civil et la jurisprudence applicable en la matière. La mise en place d’un contrat Obligation Réelle Environnementale ne peut remettre en cause ni les droits liés à l’exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques.

Les parties ont toute liberté dans la rédaction du contrat. Dans les travaux préparatoires de la loi les éléments de rédaction suivants ont été indiqués :

  • lister les obligations de faire et ne pas faire sur la propriété et lister les droits que conserve le propriétaire
  • les droits et actions du bénéficiaire de la charge
  • formalités
  • et selon le guide CEREMA/MTES (voir ci-dessous)
    • engagements pris par les parties prenantes
    • durée de l’ Obligation Réelle Environnementale
    • les possibilités de révision ou de résiliation

La publicité foncière est obligatoire afin de garantir le passage de l’information aux propriétaires successifs du bien. Toutefois elle n’est pas soumise aux droits d’enregistrement et ne donne pas lieu à la perception de la taxe sur la publicité foncière.

Les avantages ?

Aucun avantage fiscal n’est spécifiquement attaché aux Obligation Réelle Environnementale. Toutefois, les communes peuvent exonérer de la taxe sur les propriétés non bâties les propriétaires ayant signé une Obligation Réelle Environnementale.

En conclusion

La souplesse dans l’élaboration des modalités du contrat permet de couvrir une large gamme d’enjeux. Le contrat Obligation Réelle Environnementale permet par exemple d’inclure des habitats naturels non couverts par la législation relative aux espaces naturels protégés.

Elle permet également de rédiger des accords au plus près des réalités écologiques, sociales et économiques.

Pour en savoir plus :

Le guide méthodologique du Centre d’études et d’expertise pour les risques, la mobilité, l’environnement et l’aménagement (CEREMA)

https://www.ecologie.gouv.fr/obligation-reelle-environnementale

Sale temps pour l’Etournel

Nous savons tous que la Haute-chaîne est fortement dépendante du bon fonctionnement de ses territoires périphériques. Le marais de l’Etournel étant l’une des pièces majeures de ce puzzle, les Amis de la Réserve se sont très tôt intéressés à son devenir.

Un site remarquable à la gestion complexe

Le site de l’Etournel est remarquable : couloir d’intérêt européen pour les migrations des oiseaux, corridor écologique transfrontalier, réserve de chasse, arrêté de biotope, Natura 2000, Espace Naturel Sensible. Sa gestion en est particulièrement complexe. La prouesse a été de mettre en place sous la houlette du Parc naturel régional du Haut-Jura, animateur Natura 2000, un Comité de Site (COPIL Natura 2000 et Comité de Site ENS) réunissant tous les acteurs concernés. Et ils sont nombreux. Avec un interlocuteur incontournable, la Compagnie nationale du Rhône (concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial, les usages agricoles, et propriétaire d’une grande partie du site de l’Etournel) dont le barrage de Génissiat régule -et oui- l’alimentation hydrique du marais.

Bien que ne figurant pas à l’arrêté de création de ce comité de pilotage, les ARN sont cependant associés aux réflexions en tant qu’association fédérée à FNE Ain. C’est à ce titre que Lynne Hopkins avait initié le projet des Amis de l’Etournel, qui n’a finalement pas vu le jour.

Si nous avons été contraints d’annuler notre sortie de décembre à l’Etournel en raison de conditions météo exécrables, bien d’autres turbulences planent sur ce territoire d’exception.

La réunion du Comité de Site qui s’est tenue à Pougny le 16 novembre2021 a été particulièrement houleuse et éprouvante.

Plusieurs projets « sensibles » étaient inscrits à l’ordre du jour, dont :

Le projet communautaire de la Régie des eaux gessiennes de pompage à Pougny. Sachant qu’il y a un assèchement des zones humides depuis 2011 sur le site, le projet s’oriente vers une recommandation de 9000 m3 sur des pointes (45 jours par an) et 6000 m3 en moyenne sur l’année. Le pompage des 12000 m3 envisagé à l’origine est abandonné car il impacterait durablement le site. Des études plus fines sont encore en cours, mais la décision n’est-elle pas déjà prise ?

Le projet d’arrêté préfectoral concernant la régulation à tir du sanglier sur l’emprise des réserves du site de l’Etournel :

Rappelons tout d’abord que la gestion du sanglier était prévue dans l’arrêté inter préfectoral de protection de biotope et jusqu’ici confiée au lieutenant de louveterie lequel organisait des battues administratives trois fois dans la saison. Pas suffisant apparemment pour certains …

Suite aux « dommages importants » occasionnés par le sanglier sur les activités agricoles, la flore et la faune sauvage, un nouvel arrêté a été proposé, précisant

– la gouvernance, désormais confiée à 2 référents des fédérations de chasse de l’Ain et de la Haute-Savoie.

– le protocole d’intervention. Tirs possibles dès l’ouverture de la chasse jusqu’à sa fermeture au 15 mars 2022. Tous les jours de la semaine, sauf le mardi et le mercredi et « autant que de besoin » dans la limite de 7 interventions. Maximum de 40 chasseurs dont 20 tireurs.  Les chiens peuvent être utilisés …

– un compte rendu-bilan devant être fourni en fin de saison.

Un arrêté inter préfectoral (signé le 22 décembre 2021, cadeau de Noël aux fédérations de chasse!) qui de facto autorise la chasse -avec chiens- dans un espace dit protégé, reconnu d’intérêt majeur pour l’hivernage notamment des oiseaux d’eau.

D’autant plus scandaleux que le protocole d’intervention des fédérations de chasse âprement discuté en séance a été modifié en douce et que nous apprenons qu’une battue s’est tenue le vendredi 7 janvier 2022, un jour réputé de non chasse dans l’Ain, selon le schéma départemental de gestion cynégétique en vigueur.

Et que dire du comportement d’agriculteurs faisant vrombir 4×4 et tracteurs sous les fenêtres de la Mairie pour accentuer la pression sur les participants, alors que leur représentant au Comité de pilotage se montrait de plus en plus virulent, menaçant par exemple de bloquer le rond-point du Cern s’il n’obtenait pas satisfaction ?

Et que dire du comportement des élus gessiens et départementaux qui se sont empressés de quitter la réunion alors que le sujet central de la gestion du site allait être abordé ?

Cerise sur le gâteau en fin de réunion soit vers 18 h, le groupe d’activistes a bloqué la sortie des quelques écolos présents, sous le regard « amusé » de la maréchaussée et de certains membres du Comité de pilotage. Une prise d’otages de quelques 30 mn dont la presse locale s’est bien gardée de faire sa Une.

Inadmissible mais bien dans l’air du temps !

Réchauffement climatique, station de pompage, espèces invasives, retour de la chasse, forte fréquentation… Sale temps donc pour l’Etournel.