Rencontre avec le Tichodrome échelette

Mais quel est donc cet oiseau aux ailes rouge carmin qui se cache sous ce nom bizarre ? Qu’avez-vous dit ? Trichodrome ??? Non non, Tichodrome, pourquoi tout le monde veut absolument rajouter ce « r » dans son nom ? On ne parle pas ici de tricot où de trichoptère. On parle juste d’un oiseau, dont le nom, « Tichodrome », vient du grec et signifie « celui qui court sur les murs ». Mais alors, un oiseau est-il vraiment capable de courir sur un mur ??? Eh bien oui, presque !

Le Tichodrome échelette, que nous appellerons Titi pour plus de simplicité, est un petit oiseau qui vit à la verticale dans des falaises et rochers. Il s’agrippe à la paroi grâce à de longues griffes recourbées et pointues. Il est le seul oiseau au monde à vivre comme cela. Il n’en est pas rare pour autant, mais n’est jamais facile à observer.

Petite boule de plumes de 15 à 20 grammes, il n’est pas plus gros qu’un moineau. Son vol est très léger et ressemble étrangement à celui d’un lépidoptère. Il a ainsi été surnommé l’oiseau papillon. Montagnard, il passe la belle saison en général à plus de 1000 mètres d’altitude, et nidifie en falaise dans une cavité. Il fréquente le Jura (dont la Haute Chaine), les Alpes, les Pyrénées et également un peu le Massif Central. Ailleurs dans le monde, il est bien répandu dans l’ancien monde jusqu’en Inde où il a déjà été observé à plus de 5000 mètres d’altitude !

Mais alors, de quoi se nourrit un oiseau qui ne quitte jamais les falaises ? Le Tichodrome mange essentiellement des insectes et des araignées, qu’il déniche dans les fissures et les cavités de la roche à l’aide de son long bec fin et courbé. Il lui arrive aussi d’attraper, lors d’acrobaties aériennes vives et précises, de gros insectes venant voler le long des rochers pour trouver un peu de chaleur.

Après la reproduction, Titi effectue une migration altitudinale et descend dans des contrées qui lui permettent de trouver à manger durant l’hiver. Il peut venir jusqu’en plaine. Il fréquente alors les bâtiments et monuments en pierre, qui lui offrent pas mal de joints et de fissures à prospecter. Des cas de migrations plus lointaines sont régulières et difficiles à expliquer. Il peut passer l’hiver en région parisienne, ou même en Vendée, très loin de sa montagne.

Durant l’hiver, le tichodrome change de plumage. Sa poitrine et sa gorge, noires en été, deviennent blanchâtres. Il devient également très solitaire, et ne supporte pas la vue d’un congénère. Lorsque 2 oiseaux se repèrent, ils se poursuivent nerveusement dans le vide en poussant des cris puissants. Les sites d’hivernage sont fréquentés de novembre à mars, et les oiseaux exploitent un domaine assez vaste, même si certains secteurs sont fréquentés plus régulièrement. C’est le cas du Fort l’Ecluse et de ses falaises environnantes, qui chaque hiver, accueillent une petite population de tichodromes. Pour tenter d’observer l’oiseau papillon durant la période hivernale, un très bon endroit facilement accessible est le Fort supérieur. Les tichodromes viennent régulièrement fréquenter les parois du fort, et ceci attire d’ailleurs beaucoup de photographes, que vous verrez certainement sur place, scrutant assidument tous les murs de la bâtisse.

Si vous avez de la chance, vous pourrez peut-être observer un oiseau grimper le long du fort, et vous remarquerez sans doute son comportement étrange. En effet, la nature n’échappe pas aux troubles obsessionnels compulsifs. Lorsqu’il est en activité, Titi ne peut s’empêcher, pratiquement une fois par seconde, d’ouvrir partiellement ses ailes à la vitesse de l’éclair, laissant apparaitre très furtivement le joli rouge carmin de ses plumes. Cet instant dure au plus 2 dixièmes de secondes, et se répète sans cesse. Il ne semble jouer aucun rôle dans la progression de l’oiseau ni dans son équilibre. Mystère !

Lorsqu’il est actif, Titi ne reste pas en place et bouge sans cesse. Il lui arrive de rester un moment à l’horizontale, comme la plupart des oiseaux « normalement constitués ». C’est dans cette position qu’il effectue sa toilette par exemple. Au contraire, il lui arrive de se promener complètement à l’envers, suspendu sous une voute par ses petites pattes. Il se déplace même dans cette position, mais glisse de temps en temps, agitant ses ailes pour rejoindre à nouveau la paroi et retrouver une prise.

Le tichodrome est un oiseau attachant qui le plus souvent ne craint pas l’homme. Pas besoin de camouflage ou d’une grande discrétion pour l’observer, ce qui est appréciable.

Vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire pour tenter d’apercevoir le petit alpiniste, soit l’hiver au Fort l’Ecluse, soit l’été sur les falaises de la Haute Chaine du Jura. Pour trouver d’autres images de ce bel oiseau, rendez-vous sur le site d’un photographe passionné, ce dernier étant, le hasard faisant bien les choses, l’auteur de ce petit article que vous venez de lire !