Ce familier inconnu : le Pic noir

Nos montagnes sont habitées par beaucoup d’animaux remarquables. Parmi eux, un oiseau mérite de nombreux superlatifs pour qualifier sa beauté et sa force : le Pic noir ! Mais quel est donc cet oiseau ?

Tout le monde connait le « Pivert », ce nom plutôt commun que l’on attribue à ces oiseaux, dotés d’un long bec pointu, qui passent leur temps à grimper le long des troncs d’arbres. En réalité, le Pivert, de son vrai nom le « Pic vert », n’est que l’une des 5 espèces de pics que l’on peut rencontrer communément dans nos montagnes ou nos plaines. Dans cette famille, un oiseau ne peut laisser un observateur indifférent. Dryocopus martius, appelé le Pic noir, est le plus grand Pic d’Europe et l’un des plus grands du monde. Sa taille est proche de celle d’un corbeau, même s’il est bien plus élancé et moins ventru que ce dernier. Il habite communément nos montagnes, qui constituent son habitat d’origine, mais s’est bien répandu en plaine également depuis plusieurs dizaines d’années. Il habite les forêts matures dotées de grands arbres, hêtraies et hêtraies-sapinières le plus souvent.


Pic noir mâle, reconnaissable à sa crête rouge étendue sur toute la longueur de sa tête. Photo: J.C. Delattre

Les pics passent leur temps à mettre des coups de bec dans les troncs d’arbre ou les branches. Mais pourquoi donc ? En réalité, pour plusieurs raisons. Au quotidien, les pics creusent dans le bois mort pour trouver leur nourriture constituée en partie d’insectes « xylophages », c’est à dire qui se nourrissent dans le bois mort. Grâce à leur longue langue à l’extrémité gluante, ils attrapent facilement les petits insectes au fond de leur galerie. Ensuite, les pics tapent aussi sur les troncs pour indiquer autour d’eux, qu’ici, c’est chez eux. En effet, alors que la plupart des oiseaux chantent pour marquer leur territoire au printemps, les pics préfèrent se manifester d’une autre façon. Prenez un bon morceau de bois creux qui résonne bien, et envoyez une rafale de mitraillette dessus avec le bec. Vous obtenez un tambourinage de pic ! Vous avez certainement déjà entendu des tambourinages à la fin de l’hiver et au printemps. Ils sont en général l’œuvre du petit pic épeiche, l’espèce la plus commune chez nous. Les pics ne creusent ainsi aucunement dans le bois à ce moment, ils s’évertuent simplement à faire du bruit ! Et à ce jeu-là, notre pic noir est imbattable. Ses tambourinages sont d’une puissance inouïe. Beaucoup plus longs que celui du pic épeiche, et d’une fréquence beaucoup plus faible, ils ne peuvent être confondus et résonnent à tel point qu’ils restent audibles à une distance de 2 km. La littérature rapporte même un record à plus de 3 km !

En période de reproduction, le bec des pics, qui pousse en permanence pour compenser une usure inévitable, devient enfin un outil de forage pour la loge de reproduction. En effet, les pics pondent leurs œufs et élèvent leurs jeunes dans un trou creusé au cœur d’un tronc d’arbre. Le pic noir, du fait de sa taille et de sa puissance, est le seul à pouvoir creuser dans du bois sain, et il ne choisit pas le plus tendre. Sa préférence va au hêtre, mais un chêne ne lui fait pas peur. L’entrée de la loge, caractéristique de l’espèce, est un trou ovale d’environ 10 centimètres de diamètre. A l’intérieur du tronc, l’entrée donne dans une chambre qui peut atteindre 30 cm de diamètre ! Attention à ne pas traverser toute l’épaisseur du tronc lors du forage, sinon l’arbre se retrouve coupé en deux ! Cela arrive de temps en temps, parait-il…


Pic noir femelle au bord de sa loge de reproduction. Sa crête rouge est limité à l’arrière de la tête. Photo: J.C. Delattre

Il est important de signaler que le Pic noir joue un rôle essentiel, car ces loges qu’il crée servent par la suite de gite et de site de reproduction à d’autres espèces, comme la Martre des pins, ou encore la rarissime Chouette de Tengmalm, une petite chouette de montagne dont la présence est conditionnée par celle de notre oiseau !

Un couple de pics noirs élève en moyenne 3 jeunes par année. Les poussins atteignent leur taille adulte en à peine plus de 3 semaines, ce qui est remarquable pour un oiseau de cette taille. Une fois le moment venu, les parents incitent les jeunes à prendre leur envol depuis la loge de reproduction qui peut être située à plus de 10 mètres du sol. Une fois sortis de l’arbre qui les a vu naître, les jeunes n’y reviendront plus et seront nourris encore quelques temps par leurs parents dans un coin secret de la forêt. Ils viendront habiter nos montagnes à leur tour, et peut-être un jour croiser votre regard admiratif.


Mâle venant nourrir un jeune à la loge 2 jours avant l’envol de ce dernier. Photo: J.C. Delattre

Observer le Pic noir n’est pas chose aisée, car il vit dans un milieu fermé et reste présent à faible densité. Néanmoins, ses tambourinages et ses différents cris (vous pouvez entendre le Pic noir sur oiseaux.net), tous très puissants, s’entendent facilement tout au long de l’année. Alors durant vos futures ballades dans nos montagnes jurassiennes, levez la tête pour rechercher d’anciennes loges le long des troncs dégagés des grands hêtres, et n’oubliez pas de tendre l’oreille pour ne pas rater une manifestation du roi des pics !