Quel avenir pour le col de la Faucille ?

Nous connaissons tou.te.s le col de La Faucille, départ de nombreuses balades notamment pour découvrir les sommets de la Réserve et ses richesses naturelles. Les plus sportif.ve.s d’entre nous fréquentent aussi le site pour ce qu’il a longtemps été et est encore : une station aménagée pour les sports d’hiver.

Mais à chacun son Nessie… Cela fait des décennies que l’aménagement de La Faucille s’invite à la table des élu.e.s gessien.ne.s avec notamment des investissements hasardeux, un projet de déplacement du centre routier à La Vattay (depuis abandonné), une polémique autour de la tyrolienne XXL, etc. auxquels sont venus s’ajouter plus récemment le dossier brulant du dérèglement climatique et son corollaire : le prévisible manque de neige.

Pour faire face, et en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, Pays de Gex Agglo a pris en 2019 la décision de faire de la Faucille une Station 4 Saisons incluant l’installation d’attractions touristiques supplémentaires telles qu’une piste de luge tubing, une tyrolienne à virages et une piste pour trottinettes (voir magazine de l’interco n°10). Un statut 4 Saisons qui, sous couvert d’adaptation aux conséquences du dérèglement climatique, impliquerait de rogner la forêt contigüe pour urbaniser encore davantage.

La Presse s’est réjouie à plusieurs reprises de ce « pôle multi-activités ludique » à venir (Dauphiné Libéré du 02/08/2022) notamment à l’occasion de la consultation publique qui s’est tenue jusqu’à fin août, et qui portait sur le déclassement de quelque 2 ha de forêts actuellement « zones naturelles protégées » afin qu’elles puissent être urbanisées à des fins touristiques.

Changement de ton devant « l’avalanche de critiques » recueillies dans le cadre de cette procédure (Tribune Républicaine du 01/09/2022) émanant de certain.e.s élu.e.s et en particulier de la commune de Mijoux, principalement concernée par le projet (délibération du 28/06/2022) ainsi que de particuliers, personnalités ou associations ayant pris part à la consultation. Pays de Gex Agglo a alors annoncé « prendre le temps d’analyser la concertation » par la voix de son président Patrice Dunand.

La réunion d’examen conjoint visant à recueillir l’avis des Personnes Publiques Associées, dont FNE, initialement prévue début septembre, a été sine die reportée. De deux mois. L’objectif des élu.e.s étant  de l’aveu même de Patrice Dunand (article cité ci-dessus), de « lever les doutes » mais non de revoir leur copie…

L’antenne locale de FNE a rapidement mis en place un groupe de travail chargé d’examiner les dossiers soumis à examen. Les ARN en font bien évidemment partie.

Ce qui ressort des réflexions :

  • En premier lieu, cette révision du document d’urbanisme ignore le débat de fond qui doit être mené par la population et ses élu.e.s de façon globale pour changer de paradigme afin de répondre aux enjeux actuels, en particulier les conséquences du dérèglement climatique. Nous devons revoir notre rapport à la nature afin de nous adapter aux ressources disponibles et non l’inverse. Le postulat du projet porté par Pays de Gex Agglo est tout autre.
  • Sur la forme, le dossier présente une argumentation quelque peu tautologique de l’intérêt général du déclassement. A en croire la levée de boucliers lors de la consultation publique, il semblerait que tout le monde ne soit pas convaincu de l’intérêt de cette modification.
  • Qui plus est, ce type de projet semble anachronique quand on sait que la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit un objectif de Zéro Artificialisation Nette à l’horizon 2050 et qu’une diminution du rythme d’artificialisation est attendue dès maintenant. Au contraire, la multiplication des demandes de modification des documents d’urbanisme, à chaque fois pour de « petites » surfaces, laisse l’urbanisation progresser sur notre territoire.
  • Ensuite, des problèmes posés par le devenir du bâtiment verrue dit « des Italiens » et le déplacement du Centre Technique Routier ne sont pas résolus alors qu’ils sont des préalables à tout projet d’aménagement du site.
  • Enfin, certains choix du projet laissent perplexes… Un hôtel 4 étoiles pour répondre à l’intérêt collectif ? Un Spa pour se détendre alors que la nature environnante s’offre sans surconsommation d’eau ? Une augmentation des capacités d’accueil du site alimenté par l’eau du Lac des Rousses, dans un département déjà en précarité hydrique ?

Bien que non concernée directement par les surfaces boisées qui seraient au moins en partie urbanisée, la Réserve Naturelle, ses hôtes et leurs interactions ont tout à perdre si on élimine encore un peu plus de forêt au profit d’aménagements touristiques.

Les ARN seront donc au rendez-vous pour défendre la nature de la Haute-Chaine, y compris en étant force de proposition. Revoir l’aménagement du col de La Faucille, oui, mais sans couper d’arbre et en améliorant l’existant. On se prend même parfois à rêver de l’installation d’une Maison de la Réserve digne de notre Haute-Chaine !

Renée Depraz et Marjorie Lathuillière