A la découverte de la Réserve Naturelle avec Guillaume Cadier, adjoint au conservateur

Samedi 22 octobre au matin, une dizaine d’adhérents de notre association se sont retrouvés au départ du sentier du belvédère du Turet, au Col de la Faucille, pour (re)découvrir les missions de la Réserve naturelle et sa réglementation avec Guillaume Cadier, adjoint au conservateur de la Réserve Naturelle. Cette sortie sur le terrain était également l’occasion de faire mieux connaissance avec les « référents », des membres des ARN formés par la Réserve naturelle afin de pouvoir apporter leur aide bénévole sur certains projets.

Découvrez les actions de la Réserve naturelle à travers les réponses de Guillaume aux questions que nous avons posées lors de cette sortie !

Comment se passe le suivi du Grand Tétras dans la Réserve naturelle ?

Jusqu’à présent, des observations destinées à évaluer le nombre de Grand Tétras étaient organisées une fois par an au printemps sur les « places de chant », c’est-à-dire les sites plus ou moins ouverts dans lesquelles les mâles (les coqs) effectuent leur parade nuptiale pour conquérir les femelles (les poules) par le chant et parfois les affrontements. Une place de chant peut représenter une surface de plusieurs hectares et afin de la couvrir, plusieurs observateurs se répartissent « en affût ». Pour limiter au maximum le dérangement des Grands Tétras, les observateurs se camouflent sous un affût dès le milieu fin d’après-midi et y restent sans sortir jusqu’au lendemain matin, 1h après que le dernier mâle ait fini de chanter. Les observateurs identifient le nombre de mâles chanteurs à la vue ou à l’oreille, et comptent aussi les femelles, ce qui donne une idée du nombre d’individus sur chaque place de chant. Afin de minimiser encore les dérangements pour l’espèce, ce suivi ne sera fait que tous les 2 ans dorénavant.

Peut-on croiser le loup dans la Réserve naturelle ?

Oui, c’est possible. Toutes les études scientifiques le montrent, la zone de présence et décolonisation du loup est calquée sur celle du cerf. C’est ce qui s’est passé dans la Réserve naturelle : depuis 15 ou 20 ans, on voyait épisodiquement des loups de passage sur la Haute Chaîne, sans installation de meute, et maintenant les passages de loups sont de plus en plus réguliers parce qu’il y a eu une grosse augmentation des populations de cerfs. Cela est visible particulièrement dans toute la partie nord de la Réserve naturelle. Le loup est une espèce avec une dynamique de colonisation très forte, beaucoup plus forte que celle du lynx par exemple. Le loup est endurant, sans arrêt à la recherche de nouveaux territoires, et vit en meute, ce qui peut aussi aider à la progression de l’espèce.

Tiens, on entend un pic. De quel pic pourrait-il s’agir ?

Nous avons entendu le pic épeiche, mais une autre espèce plus rare est présente dans la Réserve naturelle : le pic tridactyle, beaucoup plus discret que le pic épeiche.

Nous venons de croiser des chasseurs. Ont-ils le droit de chasser dans la Réserve naturelle ? Quelles sont les règles ?

Le décret de création de la Réserve naturelle naturelle permet le maintien de la chasse, du pastoralisme et de l’exploitation forestière sur son territoire.

Cependant, un minimum de 10% de son territoire est classé en Réserve naturelle de chasse.

Par ailleurs, la chasse est interdite dans les Zones de quiétude de la faune sauvage en cas d’enneigement supérieur à 15 cm ou au plus tard, à partir du 15 décembre de chaque année.

Il y a également deux jours de « non chasse »  par semaine : le mardi et le vendredi.

La chasse est une « activité » traditionnelle qui, sur la Haute Chaîne, concerne principalement la « gestion » des populations d’ongulés. La maîtrise des populations de cerfs et de sangliers reste considérée comme étant nécessaire à la conservation de l’avifaune nichant au sol (à l’instar des tétraoninés) et à la conservation des pelouses d’alpage.

Et les chiens ? Souvent les randonneurs ne comprennent pas pourquoi leurs chiens sont interdits alors que les chasseurs peuvent venir avec leurs chiens.

Le maintien de la chasse a été une des conditions qui a permis la création de la Réserve naturelle. La chasse avec des chiens est ouverte légalement de septembre à fin février, parfois fin mars pour le sanglier. Les randonneurs qui viennent avec leur chien au printemps ou en été, par exemple, ne se rendent pas compte que la présence de leur chien peut vraiment mettre en danger des espèces, notamment les oiseaux qui nichent au sol comme la Gélinotte ou le Grand Tétras. La fréquentation touristique d’un site avec des chiens tenus ou non en laisse peut être parfois aussi impactante que la chasse sur certaines espèces sensibles.

Comment concilier les activités d’exploitation forestière et de pastoralisme avec la protection des espèces qui vivent dans la Réserve naturelle ?

Beaucoup d’aménagements sont faits. Par exemple, dès le 15 décembre et jusqu’à fin juin il n’y a plus d’exploitation forestière dans les zones de présence du grand tétras afin de minimiser l’impact sur les populations restantes ; cela est possible grâce à un partenariat avec les agents forestiers.

C’est la même chose pour le pastoralisme en termes de secteurs ou de pression de pâturage.

Il faut aussi comprendre que cela est intéressant pour des espèces comme le Grand Tétras de garder une alternance entre milieu forestier et milieu ouvert. Cette alternance est possible grâce à une vraie activité agricole.

L’an dernier il y avait 2 couples d’aigles royaux dans la Réserve naturelle. Est-ce toujours le cas ?

Depuis 20 ans, 2 couples d’aigles se reproduisent régulièrement dans l’enceinte de la Réserve naturelle. Cette année, nos suivis ne nous ont pas permis de voir des jeunes : est-ce un échec de la reproduction ? Est-ce à mettre en lien avec la sécheresse ? Rien n’est certain, mais nous savons qu’il y a eu également des échecs de reproduction chez le vautour fauve dans les Cévennes à cause de la grippe aviaire.  

Quelle est l’importance de la Réserve naturelle pour le lynx ?

La Réserve naturelle est d’une grande importance pour le lynx. Par exemple, grâce aux suivis (effectués tous les 2 ans par système de maillage équipé de piège photo (voir un article précédent pour plus de détail) nous avons pu identifier des jeunes lynx qui ont été ensuite retrouvés jusque dans la région de Champagnole : cela prouve que la Réserve naturelle peut servir de « réservoir » pour que l’espèce colonise d’autres secteurs.

Qui sont les référents et quel est leur rôle ?

Les « référents » sont des adhérents des ARN qui ont été formés sur les missions et la réglementation de la Réserve naturelle. Le système des « référents » est expérimental, il peut évoluer. La Réserve naturelle fait appel aux référents pour certaines actions. Par exemple, des référents ont aidé à faire de la sensibilisation auprès des promeneurs sur site, l’hiver dernier, lorsqu’un Grand Tétras avec un comportement atypique était présent sur un sentier de randonnée ;  la newsletter des ARN ainsi que les stands tenus par des référents lors d’événements (Festival des forêts, Fête de Mourex par exemple) permettent de mieux faire connaître la Réserve naturelle et sa réglementation auprès du grand public ; des référents ont également aidé à administrer une enquête sur la connaissance de la Réserve naturelle auprès des habitants du Pays de Gex, ou ont participé au à l’enlèvement de barbelés sur le site de la Chenaillette.

Gaëlle Lauby Cuillerot