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Voyage aux sources de l’Allondon

Nous nous retrouvons une dizaine, ce samedi 27 avril au matin, pour remonter le tout début du parcours de l’Allondon à l’air libre, jusqu’à sa source où nous retrouvons Jean Sesiano, hydrogéologue, pour découvrir quelques secrets de cette rivière emblématique du pays de Gex.

Chemin faisant, nous nous régalons du chant des oiseaux forestiers parmi lesquels diverses mésanges, le pinson des arbres, le troglodyte mignon, le rougegorge familier et bien d’autres ! La ripisylve qui nous offre son ombre et sa fraicheur (qui justifient bien quelques couches de vêtements !) est composée de frênes, d’aulnes et d’érables mais aussi, dès que l’on s’éloigne de quelques mètres de la rivière, de magnifiques hêtres. Au passage, Valérie nous fait déguster les pétioles frais et croquants de berce commune. L’idée d’une sortie gourmande en 2026 germe alors dans nos esprits…

A l’approche des sources de l’Allondon, nous retrouvons Jean Sesiano qui partage ses riches connaissances géologiques avec nous depuis quelques années.

L’Allondon fait partie des rivières du piémont (comme la Divonne, l’Annaz ou la Bouna) qui sont alimentées par les eaux circulant à l’intérieur du Jura. Ce matin, son débit est de 2 200 L/sec à l’entrée en Suisse (voir la veille hydro-météorologique du canton de Genève) contre environ 300 aux sources (voir vigicrues). L’Allondon est en effet alimentée, tout au long de son parcours, par de nombreux affluents tels que le Journans / Lion et l’Allemogne. Lors d’épisodes pluvieux, le débit monte à 9 000 L/sec voire de 20 000 L/sec.

Relief et principaux cours d’eau du pays de Gex (Géoportail)
Les sources de l’Allondon (Echenevex)

Les sources de l’Allondon se situent au niveau d’un affleurement calcaire datant du Crétacé inférieur (130-140 Millions d’années). Les fractures entrainant un décalage des couches horizontales laissent passer l’eau qui doit se frayer un chemin vers l’air libre quand elle arrive au niveau d’une couche imperméable.
Sur le calcaire profond (mis à jour par érosion) se trouvent des roches tertiaires chargées en calcaire (poudingues) puis des dépôts glaciaires, avec des éléments des Alpes voire du Jura.
Comme toutes les sources au pied du Jura, celles de l’Allondon ont été utilisées par l’homme. L’eau alimentait un moulin, d’où la présence d’un mur qui est parvenu jusqu’à nous, de même que les vestiges du bief qui recueillait l’eau.

Coupe géologique de l’affleurement des sources de l’Allondon

En 2022, une exploration spéléologique a été l’occasion de prélever des concrétions que Jean Sesiano a fait dater. La concrétion « N1 » (ci-dessous) s’est formée entre 113 000 ans et 47 000 ans. Par la suite, les conditions climatiques ont évolué, ne permettant plus la croissance des concrétions. Ces dates sont cohérentes avec celles obtenues pour la Bouna.

Concrétion N1 datant de
113 000 ans (± 6 400) au coeur et 47 000 ans (± 700) à l’extérieur

Un grand merci à Jean pour cette conférence en plein air sur l’histoire hydrogéologique de l’Allondon ! Pour aller plus loin, nous vous invitons à découvrir deux des livres de Jean :
. Curiosités géologiques autour du Léman
. Par monts et par vaux autour du Léman
Nous envisageons d’organiser un achat groupé donc si vous êtes intéressé.e, contactez-nous (marjo.lathuilliere@yahoo.fr) !

Texte et Photos : Marjorie Lathuillière

Voyage hydrogéologique et sensoriel sous le Jura

Après un premier report et une sortie en juin n’ayant pas permis au groupe de pénétrer dans le tunnel en raison des fortes pluies de la nuit précédente, nous étions une douzaine, samedi 7 septembre 2024, à longer le Rhône depuis le pont Carnot afin de rejoindre l’émergence de la Bouna, cette rivière souterraine à l’histoire insolite !

C’est au bord du Rhône et sous un temps radieux que Jean Sesiano, hydrogéologue à l’université de Genève, nous narre l’histoire de la Bouna, une rivière souterraine sortant de terre de façon artificielle pour se jeter dans le fleuve. En 1883, de fortes crues souterraines et superficielles poussent l’eau à se frayer un chemin à travers les blocs de moraine pour sortir à marche forcée. Conséquence : un glissement de terrain, sous Fort l’Ecluse, emportant la voie ferrée et bloquant momentanément le passage du Rhône ! Les humains ont tôt fait d’accuser la nature de faire des siennes. Surprenant, quand les datations de concrétions trouvées dans les galeries montrent que la Bouna était active depuis au moins 120 000 ans et qu’elle n’avait pas, dans les décennies du début du XIXème siècle et malgré des épisodes de fortes pluies, provoqué de tels glissements de terrain… Plus vraisemblablement, les travaux réalisés en 1858 pour la mise en service de la ligne Bellegarde – Genève ont sans doute omis de réaliser les drainages souterrains nécessaires pour faire face à ce genre d’aléas météorologiques.

Suite à l’incident de 1883, plusieurs galeries ont été creusées afin de retrouver la rivière souterraine dans le but de la canaliser et de la faire ressortir artificiellement. L’émergence a ainsi été trouvée dans une grotte sous le Jura, à hauteur du Col du Sac. Depuis, la Bouna se jette dans le Rhône, de façon plus ou moins intense en fonction de la pluviométrie, comme constaté lors de la première tentative de visite de la galerie en juin. De ces explorations souterraines restent plusieurs galeries dont les exutoires sont visibles depuis le chemin qui longe le Rhône.

C’est par ce chemin que nous regagnons l’entrée de la galerie principale d’où émerge la Bouna. L’occasion pour Jean de nous faire remarquer que la forêt qui se trouve à ce niveau est beaucoup plus jeune que celle des environs, en raison du glissement de terrain de 1883.

Nous empruntons la galerie artificielle jusqu’à rejoindre la galerie naturelle, creusée par l’eau entre les blocs de moraine. A gauche, vers le nord, nous ne ferons qu’observer le début d’une galerie principalement inondée. A droite, une autre galerie rejoint les divers exutoires observés depuis le chemin longeant le Rhône. Une exploration que certain.es rêvent d’entreprendre une autre fois…

Sous terre, c’est un véritable festival pour nos sens : les joyaux résultant du travail de l’eau et du calcaire, le clapotis de l’eau et nos propres pas dans le filet d’eau qui coule au sol, la fraicheur de ce monde souterrain… Et avant de retrouver la lumière du jour, c’est l’ozone, absent dans l’obscurité de la galerie, qui vient titiller nos narines.

C’est “notre” Jean (Romand-Monnier) qui, lors de la première sortie de juin, a remarqué l’inversion, sur ce schéma de l’article sur la Bouna, entre les résultats de datation du cœur des concrétions calcaires et ceux de la périphérie.

Un grand merci à Jean Sesiano pour cette découverte exceptionnelle ! Pour tout savoir sur l’histoire de la Bouna et les études réalisées par Jean et son équipe, lisez l’article qui leur est consacré.

Marjorie Lathuillière

Sortie géologie au col de la Faucille

Par Riwal Leeman, étudiant en géologie.

Le calcaire du Jura est sédimentaire
Tout d’abord, nous avons commencé par une introduction sur ce qu’est la géologie et ce que cette science étudie, et par une explication sur les différences entre les 3 grands types de roches: magmatiques, métamorphiques, et sédimentaires. Les roches de la Haute Chaîne, le chainon le plus oriental et le plus élevé du Jura, appartiennent à cette dernière catégorie. Le fameux calcaire que l’on trouve chez nous est une roche sédimentaire. Il s’est formé au Mésozoïque, et plus précisément au Kimméridgien pour les roches observées au col de la Faucille : elles ont donc plus de 150 millions d’années ! À titre comparatif, la chaîne du Jura n’a commencé à s’élever il y a seulement 11 millions d’années.

Un petit air de Caraïbes
Il existe donc différents types de calcaires, pouvant contenir des fragments de fossiles, ou encore des grains de silice. Ici le calcaire est récifal, il s’est formé à partir de récifs (comme la grande barrière de corail aujourd’hui) dans un climat chaud, dans des eaux oxygénées, agitées et peu profondes. L’endroit, très différent d’aujourd’hui, devait alors ressembler aux Caraïbes.  

Chronologie des Monts Jura
-Jurassique supérieur (155 Ma) : formation des calcaires composant les roches présentes à la Faucille
-Éocène (environ 40 Ma) : les Alpes ont déjà commencé à se former, et le Jura subit une première érosion karstique
-Serravalien (11 Ma-aujourd’hui) : plissement du Jura en avant des Alpes comme conséquence de celles-ci, et 2ème érosion karstique, encore à l’oeuvre aujourd’hui
-20 000 ans : fin de la dernière glaciation, qui marque fortement nos paysages (vallées en U, moraines, blocs erratiques, stries glaciaires sur les roches moutonnées…)

Les marques de l’eau sur le paysage
Le paysage, on le voit, est fortement marqué par le passage ancien des glaciers – qui n’est pas si ancien à l’échelle géologique puisque des humains étaient déjà présents en Europe depuis longtemps à ce moment-là. 

On observe également d’autres formes sur les Monts Jura, qui ne sont pas associées au passage des glaciers, mais plutôt à la lente (quelques mm par an) dissolution des calcaires du massif. Cela forme des gouffres, des dolines (dépressions arrondies), des lapiaz, des pertes (comme sur la Valserine), des fissures… L’eau est un facteur majeur d’évolution du relief des montagnes du Jura.

Observation sur le terrain
On a ensuite regardé des roches à l’oeil nu. 

On constate qu’elles sont plissées, ce qui témoigne de la formation du Jura, car en effet, à l’origine, lorsque le calcaire se forme en mer peu profonde, le fond de la mer est (en moyenne assez) plat ! On voit également des fragments de coquilles dans la roche, témoins d’organismes marins et donc d’un environnement de dépôt très différent. J’ai montré ensuite 3 fossiles trouvés dans le Jura, comme exemple des êtres vivants qui étaient présents sur ce lieu il y a des millions et des millions d’années. 

2 beaux cristaux de calcite sont également présents sur le site, en inclusion dans la roche.